Région Île-de-France 2017-2022
A partir des élaborations des groupes de travail, des actions sont expérimentées sur le terrain, en 2019 et 2020.
La présence de cet atelier dans la Recherche-action déroge au schéma selon lequel les actions émergent de la réflexion des groupes de recherche. En effet, il préexistait indépendamment du mouvement d’innovation. Cependant, dans la thématique « l’éducation aux images contre le décrochage scolaire », cet atelier constitue un exemple important d’action liée au film et aux jeunes « décrocheurs ».
L’objectif de cet atelier d’expression réside dans l’expérimentation de son articulation à son territoire.
C’est au Lycée Eugène Hénaff de Bagnolet, dans la classe de MLDS (Mission de Lutte contre Le Décrochage Scolaire) que se déroule le projet de Martin Tronquart, réalisateur, metteur en scène et acteur, membre de la compagnie de théâtre « Les ateliers de Belacqua ». Le projet fait l’objet cette année d’une observation complète de la part de Marie Ducellier, Doctorante à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, dont la recherche s’intitule « L’école aux côtés de l’éducation populaire : pour une fabrique du regard cinématographique ? ».
L’action avec cette classe de lycéens (entre 4 et 8 élèves âgés de 16 à 17 ans), consiste en l’élaboration progressive d’un film de fiction en priorisant l’apprentissage du langage au travers de lectures, d’improvisations théâtrales et d’écrits, ainsi que la rencontre et la collaboration avec des professionnels du cinéma. La diffusion du film est prévue sous forme de projection-débat au au Cin’Hoch de Bagnolet dont le directeur Franck Sescousse est partenaire.
Tout d’abord une thématique est cooptée, celle du combat, pour soi-même et dans la vie. La démarche débute par un travail d’expression orale (croisement des vécus, des imaginaires), au moyen de brainstormings et discussions. Elle débouche sur le choix collectif débattu d’une « situation » : les adolescents choisissent la scène de repas d’enterrement comme lieu propice à l’expression des conflits. Suit un travail d’improvisation théâtrale, la parole est portée sur scène, mise en corps, espace et temps. S’enchaine l’écriture par les adolescents d’un « discours » (comme l’occasionne la situation d’obsèques, selon eux) et sur la base de ces matériaux et expériences, la scénarisation. Ce temps de préparation emploie 8 journées de travail. Les jeunes rencontrent une chef opérateur, une ingénieure du son, une scripte et une comédienne professionnelles puis effectuent le tournage du film les 22 et 23 janvier. Montage et étalonnage ont lieu hors les murs du lycée, dans un atelier que les élèves rejoignent en autonomie. La rencontre avec des professionnels du cinéma est conçue comme une ouverture collaborative sur le monde d’expertise dont est constitué le cinéma. Le film terminal, aboutissement du projet, sera projeté entre le 20 et le 30 avril, suivi d’une discussion entre les adolescents et le public, au Cin’Hoch de Bagnolet dont le directeur Franck Sescousse est partenaire.
Marie Ducellier a constitué une base d’observations en recueillant le ressenti des jeunes, elle partagera une synthèse avec le groupe de Recherche-Action qui bénéficiera ainsi d’un document scientifique comme il en existe peu.
L’expérimentation d’une articulation de l’atelier avec son territoire s’avère évolutive mais peu aisée. En ce qui concerne les relations hors les murs, avec les structures culturelles environnantes, en particulier le Cin’Hoche, des propositions ont été échangées. Franck Sescousse imaginait une programmation « spéciale jeunes », dans laquelle chaque adolescent de la classe MLDS aurait choisi un film, conçu et réalisé sa médiation au sein du lycée. Une adaptation du dispositif d’« Ambassadeur » en somme. Martin Tronquart souhaitait expérimenter des répétitions de scène et tournages dans la salle de cinéma.
Les impératifs de calendrier, le manque de réactivité dans la communication, la difficulté à passer d’une relation de partenaires à celle de collaborateurs, à transformer le projet initial, à remettre en cause ses visées, ont grévé l’aboutissement de ces perspectives. Cela met en évidence ce type de difficultés, qu’il faudra aborder lors de notre rédaction méthodologique finale.
En ce qui concerne la relation de l’atelier à son lieu d’exercice et aux référents successifs au sein du lycée, les conditions de « désengagement », exprimées par Martin Tronquart, « la déficience de l’institutionnalisation de l’éducation à l’image » relevée par Marie Ducellier, renvoie à la Recherche-Action une image précieuse de la place de cet atelier dans l’institution scolaire, ce qui permettra de nourrir les réflexions et envisager de nouveaux outils.