Éducation aux images 2.1
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« Usages numériques, salles de cinéma, pratiques des publics adolescents, médiation : des convergences à inventer »

Région Île-de-France 2017-2022

Actions sur le terrain

A partir des élaborations des groupes de travail, des actions sont expérimentées sur le terrain, en 2019 et 2020.

« Atelier inversé » aux Navigateurs

Animé par Myriam Drosne et Natacha Cyrulnik

Le projet d’atelier

Un atelier inversé suppose un renversement des rôles, l’apprenant devenant appreneur. Là où de coutume, ce sont les adultes qui éduquent les enfants, cet atelier a l’ambition d’appeler les adolescents à initier, ou pour le moins imprégner les parents et habitants du quartier des Navigateurs, d’une pratique numérique de création de films. Idée conçue par Myriam Drosne, artiste plasticienne et Natacha Cyrulnik, réalisatrice, chercheuse et maître de conférences à l’Université Aix-Marseille.

Progressivement les jeunes sont amenés à effectuer en autonomie et à leur initiative des enregistrements, dans les appartements et à l’extérieur, les partager avec les intéressés, pour construire leur propre film collectif, organiser des projections, échanger sur ces expériences et conclure par une grande projection-débat.

Un atelier inscrit dans une continuité

Le quartier des Navigateurs bénéficie dès 2013 de l’action Déclic portée par Myriam Drosne et Marie Ann Trân (Paris Concert). Les deux artistes transmettent aux jeunes du quartier, et plus largement de la ville de Choisy-le-Roi, des pratiques artistiques liées au corps, à l’oralité, à l’image (Partenariat avec la ville, le musée du MAC VAL et tous les acteurs culturels environnants).
Plus récemment, en 2018, toujours à l’initiative de Myriam Drosne et Marie Ann Trân, le projet DIA LOG#1 initiait un grand mouvement de création immersive partagée, dont la restitution a eu lieu sur deux jours en septembre 2019, au MAC VAL (Vitry) et au cœur du quartier. A cette occasion, de multiples films et interviews étaient réalisés par les jeunes, la pratique participative d’enregistrements chez l’habitant est engagée.
Simultanément à l’atelier, DIA LOG#2, orienté par Myriam Drosne sur le portrait photographique donnera lieu à une exposition « HÉROÏNES DU QUOTIDIEN ». Un livre se fabrique aussi, un recueil des paroles d’habitants, à l’initiative de Yamina Akabi, résidante de la cité, emblématique et précieux relai coercitif et organisationnel, présidente de l’Amicale des Locataires CNL des Super Navigateurs.
Les projets se chevauchent, les matériaux sont mutualisés.

Un atelier ou le film prend son sens de mémoire

En effet, objet d’une restructuration urbanistique conséquente, (destructions, reconstructions de bâtiments, remodelage des voies de communication avec l’arrivée du TRAM), le quartier des Navigateurs s’avère sensible de manière accrue aux questions de patrimoine, de mémoire et d’identité sociale. Sans doute aussi s’exercent les forces d’une « métropolisation », une des problématiques soulevées par le groupe de travail.

Calendrier

Durant la semaine du 17 février 2020, Natacha Cyrulnik et Myriam Drosne lancent l’atelier inversé. Natacha Cyrulnik est présente deux jours et reviendra deux autres jours en avril 2020. Le calendrier prévoit une autre semaine en Juillet 2020 au sein du MAC VAL. Semaine ou les jeunes de Choisy-le-Roi auront la possibilité de partager en direct leur expérience avec des jeunes de Vitry-sur-Seine, ces derniers ayant aussi « travaillé » leur quartier. Cette rencontre sera complétée par un filmage tous ensemble du musée et de ses alentours.
La restitution finale est prévue le 7 et 8 Novembre 2020, en collaboration avec les acteurs culturels et dans les lieux institutionnels (musée du MAC VAL), emblématiques (Le local de l’Amicale des locataires) et le quartier des Navigateurs.

Instant d’atelier

Lundi 17 février, onze enfants de 7 à 13 ans ont rejoint volontairement Natacha Cyrulnik et Myriam Drosne au local de l’Amicale des Locataires. C’est à partir du corpus des films archives de Dia Log#1, re-visionnés, soumis à réflexions, qu’adultes et enfants déterminent la thématique de leur film : « Le quartier avant, pendant et après les travaux ». En écho aux bouleversements urbanistiques, le thème de la mémoire s’impose. S’en suit une première sortie de repérage et tournages encadrée.

Mardi 18 février, les jeunes ramènent déjà des films « self-made ». Réalisés dans la soirée du lundi, ces paysages urbains nocturnes pris à la fenêtre, interview de père, photos du petit frère, visite des chambres d’appartement, sont projetés, examinés, valorisés et engagent les enfants sur d’autres pistes de tournage. Suit un nouveau temps de prises de vue extérieures (ponts, travaux, rails, écoles) durant lequel s’affine le geste des caméramans sous les conseils des intervenantes. « Tu te souviens, certaines images sont trop difficiles à regarder… Il faut qu’on ait le temps de bien voir, de comprendre ce que tu montres…. » précise Natacha Cyrulnik. Vers 16h, les prises de vues sont visionnées, le goûter rituel clos l’intervention. Le lendemain sont effectuées deux interviews, celui d’une maman antillaise puis celui d’une famille roumaine, dans leur appartement. Là sont visibles les interactions entre générations, entre cultures, touchant aux sujets sensibles de la différence, des préjugés, du racisme, de la vie dans la cité. Ces moments sont enregistrés, photographiés, filmés partiellement. Là semble-t-il se créent une connaissance et un sens commun du territoire.

En fin d’intervention, les enfants se voient confier un matériel d’enregistrement qu’ils utiliseront en liberté, jusqu’au retour de Natacha Cyrulnik.

Rapport aux attendus

L’expérience de cette atelier inversé s’invente sur un territoire social et culturel préparé. Donnée importante car cette action met en jeu l’atout de la coopération et de la participation, tant des habitants, des jeunes que des acteurs culturels. Autre atout : celui de la pratique filmique mise à la portée de tout un chacun. Les gestes d’enregistrement et de partage s’effectuent dans la spontanéité, l’autonomie. Une facilité modulée par l’exigence et le cadre, portée par les intervenants concepteurs, par l’aspect collectif et structuré de l’entreprise, par la perspective de diffusion « en grand », publique.

Ainsi l’action sociale est privilégiée, l’atelier inversé favorise les liens entre personnes de toutes générations et cultures. De plus, la production filmique peut valoriser les jeunes et engendrer auprès des novices le désir de s’emparer de l’usage de cette pratique.

Ce dispositif fait de l’audiovisuel un vecteur d’échange intergénérationnel dans la vie quotidienne. En découle une imprégnation directe, tant des filmés que des filmeurs. Aboutira-t-on à l’arroseur arrosé ?

A voir lors de la projection-débat finale, parents/ enfants, ce que l’atelier inversé peut avoir changé aux perceptions et aux pratiques quotidiennes du numérique créatif (nov 2020).